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Lactalis : pourquoi on ne peut pas ne pas communiquer...





"Pour vivre heureux vivons cachés…" ce qui était vrai au moyen âge, lorsque les puissants se retranchaient derrière les fortifications, n'est plus aujourd'hui. Comment peut-on encore en douter ? Et pourtant ! Avec l'affaire Lactalis, nous avons été transportés dans un autre temps. Si c'est l'illustration parfaite d'une communication totalement défaillante, cela révèle surtout un problème beaucoup plus profond, et une faute à l'ère du digital…

Un certain nombre d'articles sur la communication de Lactalis ont été publiés ces derniers jours. Beaucoup exposent en 3, 4 ou 5 points fort instructifs, ce qu'il aurait fallu faire en pareil cas. Tous expriment une fois de plus que la communication ne s'improvise pas. Mais avant de revenir sur ce que cette affaire révèle dans le fond, nous avons procédé à une petite analyse de la présence de Lactalis dans les médias et les réseaux sociaux. Comment "l'affaire Lactalis" est évoquée, en quels termes parfois, et surtout, comment le groupe Lactalis s'est "saisi" de la crise. Éloquent…

Le mardi 16 janvier, Lactalis a bricolé un compte twitter avant le passage de son porte-parole à l'émission "Cash investigation", pour faire face sans doute à la possible déferlante de critiques. Mais ce n'est pas passé inaperçu.

Ce n'est pas tout. Au cours de l'émission, des personnes se sont tout à coup "éprises" de Lactalis si l'on en juge par le nombre de "j'aime" apparus au cours de l'émission… sauf qu'il s'agissait de comptes fantômes. Ces comptes venaient d'être créés le soir même, pour soutenir Lactalis…

Pire, Emmanuel Besnier, Président de Lactalis, qui a toujours refusé de s'afficher dans la presse ou sur les réseaux sociaux, a subitement créé un compte. Oui mais il s'agissait d'un faux. Hélas, sur les réseaux sociaux, si vous ne prenez pas la parole, parfois, d'autres le font pour vous. Un petit malin a donc créé un compte @EmmanuBesnier. Inutile de revenir sur la teneur de ses posts, voyez plutôt.

Sur Facebook, difficile de trouver un compte officiel Lactalis. En revanche, on trouve pléthore d'articles de la presse, qui s'est tout naturellement saisie de l'affaire pour évoquer les dysfonctionnements de la chaîne de production, ou "Le très mystérieux patron de Lactalis" (BFMBusiness), "Les perquisitions au siège de Lactalis" (France Bleue), "L'Argent du beurre" (Ouest France) et tant d'autres… (voir aussi les articles ou reportages de France3, FranceInter, Lepoint, Le monde, LC1, Le figaro, Huffingtonpost.fr, RFI, L'Obs, Reporterre.net, etc). Enfin, on notera également les nombreux commentaires très critiques des parents, grands-parents, ou de consommateurs, certains appelant déjà au boycott des produits Lactalis...

... quand d'autres, plus sarcastiques, en profite pour faire de l'humour...

Sur Pinterest, même constat. On peut retrouver tous les articles, reportages et vidéos de la presse, mais absolument rien, nous semble-t-il et après quelques recherches, de la part de Lactalis.

La présence de Lactalis sur linkedin est doublement surprenante. En effet, on a du mal à comprendre la ligne éditoriale de Lactalis sur linkedin. On hésite entre marque employeur (objectif : rendre l’entreprise attractive aux yeux de futurs collaborateurs et fidéliser les salariés actuels) et, peut-être, le marketing de contenu (objectif : accroître le nombre de prospects - pour expliquer simplement). C'est le premier constat. En outre, curieusement, c'est sur Linkedin que le Groupe Lactalis a sans doute le plus publié. Mais les dernières publications remontent à presque 3 semaines. La terre a donc subitement arrêté de tourner pour Lactalis sur linkedin dès lors que la crise fut révélée dans les médias ! C'est le deuxième constat.

Alors que faut-il retenir de cette affaire ?

"On ne peut pas ne pas communiquer".

Outre le fait que l'affaire Lactalis a révélé de nombreuses failles[1], ce qui frappe surtout et ne surprend pas dans le fond, c'est que les ratés de la communication proviennent d'un groupe connu pour son manque de transparence et où la culture du secret semble prévaloir depuis quelques années. Ce groupe, peu rompu à la communication, a donc sans surprise multiplié les erreurs : prise de parole tardive, déni de responsabilité, manque de compassion pour les familles de victimes, déficit d'information auprès de la presse, puis improvisation totale et malvenue sur le digital. La liste est longue… En conséquence, les critiques dans la presse et sur les réseaux sociaux sont légion. L'image de Lactalis est plus qu'écornée, sa réputation est sérieusement entachée, et pas seulement à cause des nombreuses failles qui ont amené le groupe et les distributeurs à vendre des produits contaminés par des salmonelles, mais aussi parce que sa communication n'a rien arrangé.

On ne peut pas ne pas communiquer". C’est l’un des grands axiomes de la communication, défini par l’Ecole de Palo Alto, par Watzlawick. En général, tout comportement a un sens, même celui de ne pas communiquer (ne pas répondre à une question qui dérange, ne pas participer à un débat, etc). Le silence, parfois éloquent, peut exprimer différentes dispositions. On parle alors de communication non verbale.

Mais à l'ère du digital, cet axiome peut aussi être valable finalement quand un grand groupe ne communique pas, ou mal et avec parcimonie. Que signifie ce silence ou ce peu d'entrain à expliquer, séduire et convaincre ? Les conséquences peuvent être désastreuses. La place qu'il n'occupe pas sur le digital peut être occupée par ses plus fervents détracteurs. Le moindre problème va prendre des proportions considérables. Le rouleau compresseur va se mettre en branle et plus rien ne pourra l'arrêter. Un grand groupe devrait s'interdire de ne pas communiquer. Son influence, que ce soit sur l'emploi, l'économie locale, le social, l'environnement, est trop grande pour qu'il ignore les attentes de ses différentes parties prenantes (fournisseurs, clients, pouvoirs publics, médias et influenceurs) en matière d'information. Cela ne signifie pas diffuser des messages à l'envi ou dès lors que la crise surgit. Non, certainement pas. Nous y reviendrons ultérieurement.

Ce que révèle cette affaire dans le fond, c'est bien une inadéquation avec son temps. Nous vivons dans un monde hyper-communicant et bientôt ultra-connecté. C'est bien, c'est mal, ce n'est pas le sujet. Mais faire fi de cela peut être au pire très dommageable, et au mieux, une solution économique qui ne durera qu'un temps, le temps de ne pas investir en communication, jusqu'à ce qu'un concurrent occupe une belle place, jusqu'à ce qu'un incident survienne et coûte beaucoup plus cher (coût financier, image, réputation, notoriété, etc). L'intégrer et prendre en compte une politique de communication globale dans son activité peut être une formidable opportunité de développement et de communication pour les entreprises, les institutions, ou diverses organisations. Cela ne permettra pas d'éviter un dysfonctionnement dans une chaîne de production par exemple. Néanmoins, il ne fait aucun doute que les entreprises qui ont une très bonne image auprès de leurs clients et fournisseurs, que ce soit grâce à leurs produits ou leurs services et à des contacts réguliers et de qualité avec leurs parties prenantes, ont beaucoup moins de mal à se remettre d'une crise que celles, plus désinvoltes, qui ont négligé la communication et les relations auprès de leurs publics. Et des exemples de communication de crise réussie, fort heureusement, il y en a ! Mais c'est une autre histoire...

[1] Je vous invite à lire "Les leçons de l'affaire Lactalis", de Jean de Jean-Marc Vittori, éditorialiste au journal LesEchos. En voici un extrait : "L'affaire a révélé des failles partout. Chez l'industriel, qui a mal mesuré l'ampleur des risques et limité au départ l'ampleur du rappel de ses produits. Chez les distributeurs, qui ont vendu des boîtes qu'ils n'auraient pas dû vendre. Chez les pouvoirs publics, dans le contrôle et la supervision des retraits. L'analyse systématique de ces failles constatée sur une crise au bout du compte limitée va permettre de mieux organiser toute la chaîne de protection". https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0301151062991-les-lecons-de-laffaire-lactalis-2144996.php#EMTD6fsO2PCQ2jht.99

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